La ferme

Notre ferme en maraîchage bio-intensif est située dans le Parc naturel régional des Causses du Quercy (Département du Lot). Les causses sont de vastes plateaux occupant les deux tiers du territoire départemental, délaissés par les plans de revalorisation de la filière maraîchère qui privilégient la vallée du Lot. Or la géomorphologie des causses présente des formes propices au maraîchage bio-intensif (dépressions, zones intermédiaires de pente faible).

La superficie agricole utilisée (SAU) est d’environ 7500 m².

1. Un modèle agroécologique
  1.1. Aménagement agroécologique
  1.2. Maraîchage bio-intensif (« méthode française »)
  1.3. Projet de diversification
2. Un modèle d’éco-construction
  2.1. Des bâtiments éco-construits
  2.2. Des équipements low-tech


1. Un modèle agroécologique

1.1. Aménagement agroécologique

La parcelle agricole de l’association est aménagée de manière agroécologique en intégrant des haies, bandes fleuries, zones enherbées, bassins de rétention, mares, murets, etc.

Par exemple, les haies (165 mètres linéaires) ont un rôle important dans le développement d’une agriculture résiliente : atténuation de l’effet des intempéries (vent, soleil, chaleur), protection du sol contre l’érosion et les inondations, séquestration du carbone atmosphérique dans le sol (ce qui augmente la fertilité et la réserve en eau), maintien de la biodiversité, épuration de l’eau. Une haie diversifiée crée un couloir écologique permettant aux insectes, aux reptiles, aux oiseaux et aux mammifères de se déplacer, se nourrir et se loger. Certains animaux vont se nourrir d’insectes s’attaquant aux cultures. En augmentant leur présence, on protège les plantations de légumes.

70 % des haies bocagères ont été détruites depuis le milieu du 20ᵉ siècle pour augmenter la productivité agricole (Mesbahi, 2022). On reprochait notamment aux arbres d’entraver la bonne circulation des engins agricoles.

Tout comme les haies, des arbres fruitiers (15 par unité de production) favorisent l’adaptation de l’espace de culture au changement climatique. De plus, cela permet une diversification de la production et une conservation des variétés locales.

Encore, trois bassins de rétention (30 m³ chacun) permettent de capter et stocker l’eau de pluie et de l’utiliser ensuite pour l’irrigation. Comme les bassins de rétention, une mare naturelle contribue à rafraîchir l’air ambiant. De plus, elle attire un grand nombre d’auxiliaires. Enfin, des puits perdus de taille plus réduite (≈ 1 m de diamètre) partagent les mêmes fonctions et contribuent à l’environnement frais aux endroits inaccessibles aux mares ou aux bassins.

1.2. Maraîchage bio-intensif (« méthode française »)

L’association cultive deux unités de production de 1 000 m² en maraîchage bio-intensif. Développée par les maraîchers parisiens au 19ᵉ siècle, la « méthode française » de maraîchage bio-intensif se caractérise de la manière suivante :

    • Travail manuel mené par une personne sur une surface de 1 000 m² (avec l’aide d’une seconde personne du printemps à la fin de l’été). 1 000 m² représente la surface qu’une personne peut exploiter manuellement de manière optimale.
    • Taille des planches standardisée favorisant le travail manuel (par ex. 20 m de long et 1,30 m de large).
    • Travail initial du sol par un apport de 10 tonnes de fumier pour 1 000 m² et un double bêchage sur 60 cm. Cette opération facilite la pénétration de l’eau et des racines sur une grande profondeur. Le fumier descendu en profondeur alimente les micro-organismes et favorise le développement des vers de terre endogés.
    • Apport constant de matières organiques pour nourrir les micro-organismes qui sont à la base de la stabilité et la fertilité des sols, de la croissance, la santé et l’abondance des plantes cultivées.
    • Cultures entremêlées (contre-plantation) et non « intercalaires ». Toutes les cultures (principales et secondaires) sont conduites en même temps, sur la même planche (culture secondaire positionnée entre deux cultures principales).
    • Densification (rétrécissement des distances de plantation et de semis).
    • Grande diversité botanique (60 à 100 espèces possibles) propice à l’allélopathie et la présence d’auxiliaires.
    • Production des légumes nécessaire à l’alimentation de 100 personnes.
    • Entre 50 000 et 60 000 € de chiffre d’affaires, avec une rentabilité de 50 % environ.

 

Figure 1. Exemple de cultures entremêlées. (Carnavalet, 2020)

Le travail manuel permet de cultiver 10 fois moins de surface que le maraîchage mécanisé pour réaliser le même chiffre d’affaires, avec un investissement de départ 50 fois moindre. Avec 6 à 8 cultures au m², en favorisant des variétés à cycle rapide pour minimiser les temps d’occupation du sol, cette méthode permet d’assurer 7 ou 8 récoltes sur le même espace. Cela revient à 7 000 ou 8 000 m² en culture mécanisée. Plus la surface est petite, plus la rentabilité du travail est grande. Au-delà de 1 000 m² en travail manuel, la rentabilité chute. Sur 2 000 m², les données montrent seulement 10 % de revenus supplémentaires faute de temps pour exploiter une telle surface (Carnavalet, 2020).

Le rendement est déterminé par le travail de réflexion et la technique, et non plus par la mécanisation (absente), la surface et la main-d’œuvre. La taille réduite de l’exploitation permet l’utilisation de dispositifs ponctuels améliorant le rendement et réduisant la vulnérabilité face aux aléas des saisons (par ex. voiles). La conséquence est une meilleure viabilité (revenus) et vivabilité (conditions de vie).

La méthode française de maraîchage bio-intensif (et ses dérivés) est enseignée par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) sous l’étiquette « agriculture-horticole » ou sustainable horticultural production system. Pratiquée dans 150 pays, elle est appliquée en contexte urbain, péri-urbain et rural. Des membres de l’association ont été formé.e.s au maraîchage dans le cadre d’un Brevet Professionnel Responsable d’Entreprise Agricole (BPREA).

Ces dernières décennies ont été marquées par l’expansion d’un modèle agro-industriel gouverné par un objectif de maximisation du profit, et caractérisé par un partage déséquilibré de la valeur créée (Rastoin & Meynard, 2020). Une abondante littérature scientifique montre que le développement de systèmes alimentaires territorialisés est indispensable pour lutter contre l’insécurité alimentaire. Dans ce contexte, le changement est mis en œuvre selon plusieurs principes interdépendants : production agroécologique locale, circuits courts, réduction de l’apport en protéines animales au profit des protéines végétales, solidarité (responsabilité sociale et environnementale des exploitations agricoles, formes coopératives d’organisation, mutualisation des ressources). Plusieurs rapports (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, 2022 ; Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat, 2022 ; Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, 2019 ; Organisation Mondiale de la Santé, 2019) soutiennent qu’une priorité devrait être le soutien à l’agriculture biologique sous sa forme la plus productive représentée par les smallholder farmers (personnes travaillant sur moins de 0,5 ha). Ce soutien devrait être conjugué à l’amélioration de la résilience des exploitations : diversité des espèces cultivées, bonne santé des sols, 20 % d’infrastructures paysagères, etc. Le maraîchage biologique sur petites surfaces s’est révélé 2 à 4 fois plus efficace pour réduire la faim et la pauvreté que n’importe quel autre secteur (OXFAM, 2021).

1.3. Projet de diversification

La ferme disposera d’un atelier de transformation végétale. Les méthodes de conservation seront le séchage (séchoir solaire), la stérilisation, la lacto-fermentation, ou encore la conservation au vinaigre et au sucre (confiture). La conservation au froid (congélation) n’est pas prévue.

Un espace de culture sera dédié à la reproduction de semences. Cette activité se déroulera en collaboration avec différentes associations œuvrant à la conservation des semences paysannes.

L’association a également pour projet de diversifier la production de la ferme avec un atelier de production de champignons. Deux membres de l’association ont déjà été formé.e.s à la production de champignons au Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricole de Montmorot.


2. Un modèle d’éco-construction

2.1. Des bâtiments éco-construits

Un frein important à l’installation paysanne est le coût des bâtiments et leurs équipements. Ainsi, notre projet comprend la construction de l’ensemble des bâtiments : locaux techniques et logements professionnels. La technique Nebraska (paille porteuse) est l’un des modes constructifs les plus performants sur les aspects : thermique, acoustique, mécanique, utilisation de ressources agricoles locales, « capabilisation » (manutention aisée favorisant la réappropriation de l’acte de construire).

Elle représente un mode constructif économique à condition de réduire certains coûts comme celui de la charpente. Nous avons ainsi travaillé à la définition d’un modèle combinant des solutions biosourcées accessibles.

Pour nos bâtiments nous combinerons les solutions suivantes :

    • fondations pierre sèche, hérisson pierre sèche/pouzzolane, soubassement superadobe stabilisé à la chaux ;
    • murs paille porteuse ;
    • charpente poutres treillis, isolation paille entre poutres, tuiles occitanes ;
    • enduit intérieur terre/sable/fibres, enduit extérieur chaux ;
    • dalle terre (argile, sable, paille, huile de lin), quenouilles torchis pour les sols d’étage.

2.2. Des équipements low-tech

La basse technologie (ou low-tech) représente une approche à la fois innovante (faire mieux avec moins), artisanale, écologique et sociale dans la définition de solutions à des problématiques liées à l’énergie, l’eau, l’alimentation et l’habitat. Une lowtech vise le respect des critères suivants :

    • faible coût, sobriété, facilité de fabrication, simplicité d’utilisation ;
    • longue durée de vie, robuste, réparable, adaptable ;
    • ressources locales, faible impact environnemental.

En France, le Low-Tech Lab (programme de recherche et de documentation collaborative) participe au développement des basses technologies et met à disposition de nombreux tutoriels.

Pour équiper la ferme, nous combinerons énergies renouvelables et basses technologies : (i) récupération de l’eau de pluie traitée par filtration lente sur sable, (ii) système photovoltaïque sobre complété par des éoliennes domestiques, (iii) chauffe-eau solaire thermosiphon, chauffe-eau solaire simplifié, (iv) toilettes sèches, (v) compostage des sous-produits des toilettes sèches, (vi) traitement des eaux grises par phytoépuration, (vii) poêle de masse, (viii) garde-manger, marmite norvégienne, frigo du désert.